Depuis 2017, la Région Bretagne a engagé une opération d’Inventaire du patrimoine consacrée à ses lycées. Objectif : mieux connaitre pour mieux gérer les 115 établissements dont la collectivité a la charge. Si la dimension patrimoniale ne pose pas question pour certains d’entre eux, elle surprend davantage d’autres cas : l’étude dévoile d’étonnantes richesses par trop souvent méconnues…
Modèles nationaux, architectures bretonnes…
À l’instar des études conduites dans d’autres régions, on s’attendait en effet à recenser quelques bâtiments ou ensembles remarquables, à repérer plusieurs types d’architecture scolaire… Sans surprise, les lycées de Rennes et Pontivy, reconstruits entre 1859 et les années 1880, sont les témoignages bretons de la diffusion progressive des plans et des architectures scolaires qu’imposent progressivement les administrations du Second Empire, puis de la Troisième République.
Sans réelle surprise non plus, les établissements scolaires construits dans l’entre-deux-guerres, les actuels lycées Ernest Renan à Saint-Brieuc, René Laennec à Pont-l’Abbé, Henri Avril à Lamballe, témoignent du régionalisme architectural porté par certains architectes bretons : Georges-Robert Lefort (1875-1954), Jean Fauny (1895-1973)…
Industrialisation des constructions versus qualité architecturale
Plus surprenante est la découverte de vrais éléments de qualité architecturale, parmi les nombreux lycées construits, de la Reconstruction aux années 1970, selon des normes aussi strictes que favorables à l’industrialisation. Des architectes de premier plan, tels que Louis Arretche (1905-1991), Raymond Lopez (1904-1966) ou André Remondet (1908-1998), ont su allier ces contraintes à des gestes forts. D’autres ont apporté à des établissements construits selon des modèles agréés, dupliqués à l’envie, une modénature de qualité voire un bâti très original. C’est le cas, par exemple, des petits gymnases scolaires de l’architecte morbihannais Yves Guillou (1915-2004), aux élévations en forme de M et aux grandes bâtières couvertes d’ardoise, descendant jusqu’au sol.
À son aboutissement, l’étude sera sans doute en mesure de définir une typologie pour les lycées postérieurs au milieu des années 1970. La décentralisation, fait institutionnel majeur (en 1986, les lycées deviennent propriété des Régions), ne semble pas suffire à expliquer la diversification des architectures et l’évolution des plans-masses qui débute avant 1986 et se poursuit ensuite.
Un surprenant musée d’art MODERNE à travers la Bretagne…
Au rayon des surprises, l’étude d’Inventaire a révélé un patrimoine souvent ignoré : une centaine de décors muraux, de bas-reliefs, de sculptures de tous types de matériaux ont ainsi été recensés. Ces œuvres sont issues de la commande publique au titre du 1% artistique, c’est-à-dire de l’application de l’arrêté ministériel, qui, à partir de 1951, impose qu’1% du coût de construction d’un établissement scolaire soit consacré à sa décoration par une ou des œuvres commandées à des artistes vivants. Ce patrimoine mésestimé, bien qu’il soit le fruit d’un processus réellement sélectif d’agrément des artistes, s’avère de grande qualité, convoquant des artistes dont la notoriété dépasse souvent le cadre régional. Au chapitre « mosaïques » par exemple, cohabitent ainsi à Quimper, Châteaulin et Guingamp celles de Pierre Toulhoat (1923-2014), Xavier Krebs (1923-2013) ou Gustave Singier (1909-1984), trois artistes aux approches bien différenciées. Les œuvres expriment la diversité des courants artistiques et activent le débat sur la relation de l’architecture avec les autres formes d’arts plastiques.
… Et des musées au sein des lycées
Moins visibles encore, les « collections pédagogiques », ces objets utilisés pour l’enseignement, celui des sciences notamment : cartes murales, animaux naturalisés, squelettes, objets nécessaires aux expériences de sciences physiques, minéraux, bibliothèques anciennes, sont autant d’artefacts, conservés dans des armoires localisées dans les labos, les couloirs ou les salles de classes. Rarement répertoriées, ces collections sont parfois valorisées dans un « musée » au sein du lycée comme il en existe au lycée Brizeux de Quimper. C’est aussi le cas de celles du lycée Zola à Rennes pour lequel la Région a créé une exposition virtuelle. Elle encourage enfin la communauté éducative à prendre soin de ces objets et, pour prolonger ce travail de sensibilisation, elle a édité une plaquette.
Impliquer les lycéens
Depuis 2018, un appel à projets intitulé « le patrimoine de mon lycée », initié avec l’Éducation nationale (Délégation Académique à l’action Artistique et Culturelle) permet aux équipes pédagogiques d’initier des projets avec leurs élèves. Vingt-cinq lycées se sont ainsi engagés dans l’aventure et ont initié des actions d’étude ou de mise en valeur du patrimoine de leur établissement à travers des expositions, des publications, des visites commentées, voire chorégraphiées. Les élèves sont sensibilisés à la méthodologie d’Inventaire et plusieurs établissements ont également proposé des ouvertures lors des Journées européennes du patrimoine.
Mieux connaître pour mieux gérer
L’étude d’Inventaire offre une ressource précieuse aux services de la Région en charge de l’entretien des établissements. La centaine de dossiers déjà réalisée, avec pour chacun son lot de connaissances inédites, permet de mieux appréhender les travaux à conduire (entretien, agrandissements, restaurations…). Des visites et séances de formation sont également proposées aux agents en charge de ces missions et à ceux qui travaillent dans les établissements.
Au travers de l’enquête d’Inventaire, c’est donc toute une dynamique qui s’initie, partageant largement une vision élargie du patrimoine tant dans ses objets d’étude que dans la capacité de chacun — y compris des jeunes — à s’investir pour porter un regard sur son environnement, mieux le comprendre pour mieux le transmettre. La restauration de la chapelle du lycée Guéhenno de Fougères en est un bel exemple !