inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

 

Châteaux forts, fortifications d’agglomération, arsenaux, corps de garde, batteries d’artillerie et forts, bunkers et autres ouvrages militaires fortifiés ou non fortifiés sont indissociables des paysages bretons. On entend par fortifications et ouvrages militaires toute structure construite pour se protéger des assaillants à des fins militaires, offensives ou défensives.

Les « héritages militaires » regroupent ces ensembles architecturaux, mais aussi les objets mobiliers qui leur sont liés ainsi que leur dimension immatérielle (savoir-faire, témoignages…). L’expression souligne enfin l’accent mis sur la transmission et la continuité de la démarche, et la façon dont les « petites histoires » peuvent éclairer la « grande histoire ».

 

Comprendre les contextes qui ont présidé à l’implantation de ces ouvrages militaires

Ces héritages militaires témoignent de la richesse de la Bretagne, mais aussi de son statut stratégique issu de sa géographie péninsulaire et de son important trait de côte.

Comprendre les contextes qui ont présidé au projet et à l’implantation de ces ouvrages militaires est indispensable pour rendre compte de cette histoire multiséculaire : défense d’implantations humaines, d’habitats et de résidences aristocratiques ou élitaires, défense d’agglomérations, défense du duché de Bretagne, défense de l’État royal, impérial puis républicain, défense du Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale avec la construction de bases de sous-marins et du mur de l’Atlantique.

 

Au 17e siècle, le château fort de La Roche Goyon, ou fort La Latte, est intégré à la défense des côtes. Il est notamment doté d’une batterie d’artillerie et d’un four à rougir les boulets. © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

 

Éminemment stratégique, la pointe du Petit Minou située à l’entrée du Goulet de Brest est fortifiée sur des plans de Vauban à la fin du 17e siècle et continue d’être aménagée et occupée militairement pendant la Guerre froide. Le bâtiment-école baptisé Chacal entre dans la rade. © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

Comprendre l’évolution des sites fortifiés dans le temps long

Un des enjeux de cette enquête d’Inventaire est aussi de comprendre l’évolution des sites fortifiés dans le temps long.

L’étude du domaine de la Tour de Cesson à Saint-Brieuc réalisée en 2023 donne à lire comment ce promontoire stratégique dominant la baie, le Gouët et l’anse d’Yffiniac est successivement occupé par un château fort, un corps de garde et des bunkers du mur de l’Atlantique.

Plus largement, si l’on sait que les deux tiers des villes bretonnes sont dotées à l’époque médiévale de fortifications, comment lit-on les raisons qui font qu’elles sont modernisées, voire dotées de nouvelles lignes de défense jusqu’à des périodes plus récentes.

 

 

 

 

 

Comprendre les évolutions scientifiques et techniques

Des premières constructions défensives en terre et en pierre, au béton armé des batteries d’artillerie de côte et des bunkers, les héritages militaires illustrent l’évolution des sciences et techniques intimement liée aux progrès de l’artillerie et autres techniques militaires. Au lendemain de la guerre de 1870, les armes modernes augmentent la puissance des projectiles et leur portée et bouleversent les équilibres en matière d’attaque et de défense. Le développement de nouvelles armes comme le sous-marin, l’aviation maritime, les batteries antiaériennes, le radar et la mise en service de projectiles de plus en plus puissants et létaux révolutionnent plus encore les architectures.

C’est à la nouvelle base de l’Île Longue à Crozon que Le Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français, appareille en 1972.

 

 

 

Comprendre l’évolution de notre environnement

Ces héritages témoignent aussi de notre relation à notre cadre de vie, et des transformations de celui-ci.

Aujourd’hui, de nombreux châteaux forts sont oubliés dans la végétation alors qu’au Moyen Âge, plus de 90 % de la population vivait dans les campagnes. A contrario, nombre de zones urbaines ont absorbé depuis la seconde moitié du 20e siècle des fortifications qui se trouvaient auparavant à leur périphérie.

Sur le littoral, l’érosion marine entraîne, avec le recul du trait de côte, la dégradation d’ouvrages de fortifications ou encore le basculement de bunkers à la mer.

La situation géographique de la Bretagne a aussi été un terrain de réalisations d’exception pour les ingénieurs militaires — et notamment, le plus emblématique d’entre eux, Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) — avec la mise en place d’un système défensif littoral autour de trois pôles majeurs : Brest, la ville-arsenal, Saint-Malo, le port transatlantique devenu cité-corsaire et l’ensemble : le havre de L’Orient – Port-Louis, comprenant les îles de Hoëdic, Houat et Belle-Île. Entamés sous Louis XIV, ces grands travaux de fortifications se poursuivent aux 18e et 19e siècles.

Protégée dès 1907 au titre des Monuments historiques, la tour de défense côtière imaginée par Vauban à Camaret (29) a été inscrite en 2008 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco avec onze autres sites français en raison de sa valeur universelle.

 

 

Tout est encore en place au bunker de Keranroux à Brest : poêle pour le chauffage, système de ventilation, boitier de connexion téléphonique, créneau blindé et portes… © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

Étudier les bunkers de l’Allemagne nazie 80 ans après la fin de la guerre

Élevée sur le littoral ou dans l’intérieur des terres, la grande majorité des bunkers de l’Allemagne nazie n’est toujours pas cartographiée ni documentée. Non protégés juridiquement, ils sont souvent détruits ou remblayés lors d’aménagements urbains et font parfois l’objet de dégradations ou de pillages.

Ils mobilisent aussi de nombreuses associations et intéressent un public motivé par le tourisme de mémoire. L’étude scientifique des vestiges du mur de l’Atlantique et des héritages de la Seconde Guerre mondiale portée au travers de l’étude d’Inventaire a pour objet de faire évoluer le regard porté sur ces témoignages et d’avancer leur patrimonialisation, alors que les mémoires vivantes de cette histoire s’éteignent peu à peu.

 

 

 

 

Co-construire la connaissance des patrimoines militaires bretons

Adossée à la méthodologie nationale de l’Inventaire général du patrimoine, l’étude consacrée aux héritages militaires bretons se donne plusieurs années pour réaliser un état des lieux des héritages bâtis de l’histoire militaire de la Bretagne en s’appuyant sur trois grands axes de recherche :

  • l’étude des bases de sous-marins et des bunkers du mur de l’Atlantique qui constituent des vestiges emblématiques de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne. Les sites à étudier sont choisis en fonction de leur intérêt historique, stratégique, typologique, de leur état de conservation, des perspectives de valorisation, voire de réutilisation ;
  • l’étude des fortifications médiévales et modernes. Le corpus est immense puisque la Bretagne compte environ 250 châteaux forts, une soixantaine de villes « nées à l’ombre d’un château », des centaines de mottes et d’enceintes de terre médiévales. À ces sites médiévaux, il faut ajouter des centaines de manoirs fortifiés et des fortifications de l’époque moderne.
  • la mise à jour, l’enrichissement et la valorisation des dossiers d’Inventaire consacrés aux héritages militaires, toutes périodes confondues, issus de précédentes opérations d’Inventaire (dont les quelques 200 dossiers d’Inventaire correspondant aux sites protégés au titre des Monuments historiques en Bretagne).

 

L’appel à projet « Participer à l’Inventaire des héritages militaires de Bretagne » a pour objectif d’inviter les acteurs du patrimoine breton — qu’il s’agisse de collectivités ou d’associations — à s’associer à cette dynamique de connaissance des patrimoines. Il se décline en deux volets : « Recenser les fortifications contemporaines » et « Étudier les héritages militaires ». En plus d’un accompagnement financier, la Région Bretagne apporte aux participants un accompagnement technique et scientifique.

 

Photographies : © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne, Bernard Bègne et Charlotte Barraud

 

 

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