inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

Attentive à l’accompagnement de jeunes chercheurs, la Région Bretagne a accueilli au sein de service de l’Inventaire une étudiante de l’Université de Rennes 2 pour la deuxième année de son master recherche en Histoire de l’art.

À la fin de sa licence, sur la base d’un échange avec son professeur Bruno Boerner, Charlotte Ciret, a choisi un thème totalement inédit comme sujet de recherche : la statuaire du Christ aux outrages en Bretagne entre la fin du XVe et le début du XVIIe siècles. En croisant diverses sources – dont les bases de données de l’Inventaire – elle a répertorié l’ensemble de son corpus lors d’une première année de master, identifiant ainsi une centaine de statues. Dès lors, le mémoire de deuxième année visait à porter une analyse sur ce corpus, à l’enrichir d’éléments historiques, de comparatifs stylistiques et d’une compréhension de la fonction des œuvres.

En conjuguant ce travail avec la méthodologie et les outils de l’Inventaire, Charlotte Ciret a pu ouvrir un dossier thématique passionnant et réalisé 108 dossiers d’Inventaire.

 

L’iconographie de la statuaire du Christ aux outrages invite à s’immerger dans une période couvrant la fin du Moyen Âge et une partie de la Renaissance, qui voue au thème de la Passion une véritable dévotion. Les statues explorent des détails du récit et se différencient, au sein de cette même thématique, entre des Christ aux outrages (corps est couvert de blessures, portant la couronne d’épines et un attribut de la flagellation), des Ecce homo (debout, portant le manteau de pourpre, présenté par Pilate au peuple) et des Christ aux liens (mains liées, assis sur un rocher figurant le Golgotha).

 

Couvert de blessures, le Christ aux outrages tient la palme utilisée pour le flageller. Chapelle Sainte-Noyale à Noyal-Pontivy (56) © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne
L’Ecce homo rappelle le moment pendant lequel le Christ, couronné d’épines et habillé du manteau pourpre des empereurs, est tourné en dérision. Chapelle Saint-Donatien à Languidic (56) © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne
Épuisé et les mains liées, le Christ aux liens est assis sur un rocher figurant le Golgotha (« lieu du crâne »). Église Saint-Pierre Saint-Paul à Quéven (56) © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En réunissant dans une même image les souffrances endurées avant la crucifixion, l’iconographie du Christ aux outrages renvoie bien évidemment aux Évangiles, mais s’inspire également de modèles iconographiques diffusés dans toute l’Europe par l’invention de l’imprimerie. Pour réaliser des peintures murales, des vitraux ou des sculptures, artistes et artisans ont à disposition sans cesse davantage de gravures. Ils sont également nourris des récits médiévaux qui prolongent les Écritures. La Légende Dorée (1266) de Jacques de Voragine et les Mystères de la Passion relayent le discours de l’Église. Ces mises en scène, racontées en langue vulgaire où toute la population participe, connaissent un véritable succès partout en Europe. Tout premier ouvrage publié exclusivement en breton, une Passion (3 482 vers et 50 rôles) imprimée en 1530 à Paris et rééditée deux fois au siècle suivant, a sans nul doute alimenté la fascination pour le récit de la mort du Christ.

 

 

Visage ensanglanté du Christ. Chapelle Saint-Fiacre au Faouët (56) © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

 

Témoignant du rapport obsessionnel des Bretons pour la mort, elle s’écarte des versions françaises en appuyant les références à l’au-delà et en sur-détaillant les outrages du Christ. C’est sans doute cette hantise qui peut expliquer la densité de Christ aux outrages en Bretagne, et plus particulièrement en Basse-Bretagne puisque la quasi-totalité des statues identifiées par Charlotte Ciret se situent à l’ouest d’une ligne Vannes — Saint-Brieuc.

Leur localisation se superpose avec une cartographie de l’enrichissement de certains territoires à cette même période. Les statues sont en effet plus nombreuses dans le Léon, le Trégor, le long du Blavet ou dans l’aire d’influence des Rohan dans l’évêché de Vannes. La prospérité nourrit en effet une production artistique de proximité portée par les savoir-faire des sculpteurs de marine, ou l’importation d’œuvres réalisées ailleurs en Europe. La finesse de certaines statues n’est en effet pas sans évoquer les ateliers du Brabant alors que la ressemblance de plusieurs Ecce homo aux alentours de Pontivy laisse à penser qu’elles ont été produites par un même atelier.

Christ aux liens surplombant le porche de l’église Notre-Dame-de-Larmor à Larmor-Plage (56) © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

Exposées au regard des fidèles, souvent au milieu de décors peints également porteurs de messages, ces sculptures du Christ en souffrance participent pleinement au discours de l’Église. Elles invitent les paroissiens à l’idéal de la « belle mort » : pénitence, prière et charité conditionnent l’espérance de la vie éternelle. La mise en exergue des plaies et des humiliations est là pour convaincre du lien entre douleur et salvation.

 

 

En plus de l’exploration de ce sujet inédit, l’articulation du mémoire universitaire et des outils d’Inventaire a permis de réaliser un quasi-récolement de ce corpus, enrichi d’une couverture photo exhaustive réalisée par les photographes du service et d’enregistrer le déplacement de plusieurs statues.

 

 

Pour aller plus loin :