inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

Il se trame bien des choses au sujet du pan de bois sur les bords de l’Isole ou de l’Ellé. La dynamique engagée en 2020 autour de la restauration d’une maison se conforte et s’étend. Elle révèle bien des secrets et des couleurs. Le Quimperlé qui enthousiasmait les belles plumes et les pinceaux affutés retrouve ses apprêts de « sujet de tableau ». C’est aussi une belle opportunité pour l’étude régionale d’Inventaire consacrée aux architectures en pan de bois, qui se nourrit de ces passionnantes découvertes. Et les prochaines étapes s’avèrent tout aussi prometteuses.

 

Maison du 8 rue Savary (c) Région Bretagne, Barraud Charlotte

Une restauration fondatrice

« Un tableau surgi d’un autre temps qui va aspirer les pas vers la rue Savary », lit-­on dans le Télégramme du 7 octobre 2020. L’évènement fait quelque bruit : la maison du 8 de la rue, que de mémoire d’homme, personne n’avait jamais connue sans son crépi vaguement laiteux, arbore désormais un vivifiant rouge « sang de bœuf » apposé sur les croix de Saint-André, les accolades ou les consoles à prisme de la façade. D’aucuns découvrent ce bel édifice de 500 ans, rajeuni, dans une rue mille fois grimpée. Cette belle aventure est née de la volonté du propriétaire.

L’initiative est soutenue par la municipalité, engagée depuis déjà plusieurs années dans une politique Ville d’art et d’histoire étendue depuis 2019 à la communauté de communes. Cette maison ouvre la voie à une politique volontariste en matière de restauration, appuyée par l’UDAP29 et la DRAC Bretagne. Le lancement de l’étude régionale d’Inventaire sur les architectures urbaines en pan de bois et l’appel à projets qui lui est lié viennent appuyer la dynamique.

La maison de la rue Savary peut faire des émules dans la ville, et l’exemple quimperlois, à son tour, faire valeur d’exemple à l’échelle régionale. Une réunion du réseau régional pan de bois qui accompagne l’étude d’Inventaire est d’ailleurs organisée à Quimperlé en 2021 et encourage d’autres villes.

Maison, 15 place Saint-Michel (c) Région Bretagne, Barraud Charlotte

 

 

 

Plus de 6 siècles d’histoire pour la maison de la place Saint-Michel !

Grâce à l’appel à projets régional « révéler et réinvestir l’architecture urbaine en pan de bois », des diagnostics sanitaires sont engagés en 2022 sur quatre maisons en pan de bois ainsi que six analyses dendrochronologiques. Celle réalisée sur le 15, place Saint-Michel  livre une surprise de taille : les arbres utilisés pour sa construction ont été abattus pendant l’hiver 1394. Cette maison essentée d’ardoises et un peu perdue devient ainsi la plus ancienne maison à pan de bois connue en Bretagne ! L’analyse du bâti confirme encore son intérêt historique en identifiant une charpente armoricaine avec chambre suspendue. La Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture a du coup jugé d’étendre sa protection au titre des Monuments historiques.

 

 

 

 

Ange portant un écu, sculpté sur une maison à pan de bois (c) Région Bretagne, Barraud Charlotte

Un ensemble exceptionnel méconnu

En contrepoint de ces belles surprises et découvertes, l’histoire des maisons à pan de bois de Quimperlé n’a pourtant pas toujours été aussi calme que le cours de l’Ellé en été : aux incendies destructeurs (1654) et aux plans d’embellissement ravageurs (1774, 1822, 1928), il faut ajouter les évolutions du goût. Beaucoup de maisons ont ainsi disparu. Dès 2001, l’Inventaire révélait que la façade ordonnancée du 2 rue Brémond d’Ars avait très probablement remplacé une façade en pan de bois du 16e siècle. La campagne photographique du pré-inventaire de 1974 indique que ceux du 4, rue Dom Morice étaient recouvert d’un enduit de ciment (heureusement retiré depuis), tout comme au 9 de la rue Brémond d’Ars. Moins chanceuse, une maison de la rue de Clohars disparaissait quelques mois après cette même campagne.

Le travail conjoint de l’UDAP29 et de l’Inventaire rend compte aussi de ce corpus disparu, mais s’attache surtout, avec les services municipaux, à prolonger la dynamique.

On peut espérer retrouver bientôt le « Quimperlé venu au monde pour être un sujet d’aquarelle » de Flaubert. EN 1847, le jeune voyageur s’était passionné pour une maison d’apothicaire, couverte de « personnages forts amusants », dont les débords touchaient le chevet sud de l’église, sur la place Saint-Michel ». Celle-là n’est plus. Une autre, au nord de la même église, tient bon : elle aussi porte des personnages intrigants : une « Eve », un ange avec écu dont les hermines s’effacent, un personnage auréolé… On devrait bientôt en savoir plus : la campagne de dendrochronologie et le diagnostic sanitaire s’amorcent. Un nouveau chef d’œuvre de bois devrait faire parler de lui !