
Le Français, ce trois-mâts construit en 1948 au Danemark est sous pavillon français depuis 2018. Une nouvelle phase de sa restauration vient de débuter avec l’enclavation de bois dans un fleuve côtier. Après l’abatage de chênes sélectionnés et le travail du bois à venir, le chantier fait l’objet d’un programme pédagogique et de formations professionnelles, qui tout comme les sorties en mer à bord du Français, s’adressent à des publics diversifiés.

Une restauration de longue durée
Un long processus de restauration débute pour Le Français et aboutira entre 2028 et 2030. Soucieuse de restaurer dans les règles de l’art pour assurer la durabilité du trois-mâts, l’équipe a entrepris des recherches dans les archives et ouvrages anciens afin de retrouver les techniques et les savoir-faire de l’enclavation.
Le Chantier du Guip, spécialisé dans la restauration de bateaux patrimoniaux, expérimente donc cette pratique tombée dans l’oubli. Elle consiste à immerger des grumes de chêne destinées à la construction navale. Celles réservées à la restauration du Français, ont été plongées dans la Penfeld en février 2025, pour une première immersion d’environ 3 ans. Après cette période, les bois seront débités et plongeront à nouveau une année dans ce fleuve côtier. Celui-ci débouchant sur la mer en rade de Brest a l’avantage d’offrir une eau saumâtre, adaptée à cette technique.

L’intérêt de l’immersion
Rapidement après l’abatage soit environ 3 à 4 mois, l’immersion permet une maturation adaptée aux bois pour conserver leur qualité jusqu’à leur découpe.
Elle a plusieurs avantages :
- le stockage du bois dans un milieu anoxique, empêche l’attaque d’insectes xylophages et de champignons.
- la pénétration de l’eau par capillarité provoque le lavage de la sève dans l’ensemble de la masse, ce qui réduit les attaques fongiques et insectivores lors du séchage.
- le travail du bois humide est facilité car le matériau est plus tendre
- le séchage est plus homogène et préserve davantage les qualités mécaniques du bois.

Ce fonctionnement est d’autant plus efficace lorsqu’il y a une grande différence de densité entre la sève et le liquide extérieur comme avec l’eau douce. En contexte littoral, bien que l’immersion en mer se pratique, elle est sujette aux dégradations provoquées par les tarets, petits mollusques marins qui creusent les bois. L’eau saumâtre permet de s’en préserver tout en accélérant le lavage. Deux années d’immersion sont toutefois nécessaires pour obtenir un lavage complet du bois, contre seulement 18 mois en eau douce.
Un séchage en douceur

De retour à l’air libre, il faut patienter deux années supplémentaires pour laisser s’évacuer l’eau. Exposés en extérieur, les bois sont ensuite soumis à la pluie, qui les débarrasse des parties salines. Ce nouveau lavage, limite l’effet hydrophile du sel qui a pour effet de maintenir l’humidité dans le bois.
Une pratique historique
L’enclavation est une pratique ancienne, on en retrouve la trace dans des sources diversifiées, elle présentait surtout l’avantage de protéger les grumes durant leur stockage. Le besoin en volume de bois dans la charpenterie navale étant nettement supérieur à ceux d’aujourd’hui, cette pratique était incontournable pour alimenter les chantiers.
A titre d’exemple, la construction d’un bateau de 30 mètres de long sur 8 mètres de large nécessitait environ 1000 pieds d’arbres, soit l’équivalent de 50 hectares de forêt. La Marine possédait sur les forêts françaises, un droit prioritaire de martelage afin de désigner les arbres à récolter, puis un droit de préemption sur les chênes. Des parcs à bois, comme celui de la Penfeld, étaient installés à proximité des arsenaux ou des chantiers navals.
L’équipe du Français pense ainsi se prémunir contre les attaques fongiques telles que celles dont sont victime certains bateaux patrimoniaux actuellement. Toutefois, cela met en lumière les enjeux de la durabilité des navires patrimoniaux aujourd’hui, qui n’ont pas été conçus pour une durée de vie longue, compte tenu des aléas auxquels ils étaient confrontés tels que les naufrages et les batailles navales.

Trois-mâts barque à double coque en bois, « Le Français » est un voilier construit en 1948 à Svenborg, au Danemark. Ayant une fonction initiale de cargo, il appartient à la famille des « Baltic Traders ».
Après plusieurs vies, en 2018, il est rebaptisé « Le Français », du nom du navire ayant participé à la première expédition du Commandant Charcot en Antarctique (1903-1905). Il participe aux activités de l’École des Pôles et de l’association du Grand Voilier École. Son port d’attache est Saint-Malo.
Pour en savoir plus, découvrez sa notice sur le site de l’Inventaire .
Découvrez le reportage France 3 sur l’immersion des bois dans la Penfeld.