inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

La Commune de Guémené-sur-Scorff (Morbihan) vient de redécouvrir l’un de ses plus anciens édifices en pan de bois, à la faveur d’une réhabilitation en Maison de Services au Public. Les travaux de restauration entrepris sur ce Monument Historique entre 2017 et 2019, avec l’aide la Région, ont permis de faire réapparaître un porche en rez-de-chaussée, comme on en trouve à Dinan, Dol-de-Bretagne ou encore La Guerche. 

Ancienne cité des princes de Rohan-Guémené blottie dans des vallons creusés par le Scorff, la ville de Guémené-sur-Scorff (Morbihan) s’est développée au pied de sa motte castrale et ses grandes foires ont largement contribué à sa prospérité. Elle fait aujourd’hui partie du réseau des Petites Cités de Caractère et dans les quartiers de l’église et du château, quelques maisons témoignent encore de son riche passé médiéval.

Mais ses logis les plus remarquables datent du 16ème siècle, comme c’est le cas de la « Maison Limbour » qui abrita aux 19ème et 20ème siècles l’auberge « A la descente de l’Aigle d’Or », puis divers commerces. Les travaux de restauration lui ont rendu son allure d’antan, tout en lui donnant un nouvel usage au service de la commune et de ses habitants.

Etats pendant (ci-dessus) et après restauration (ci-dessous) © Mairie de Guémené-sur-Scorff

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Derrière cette maison, un Monument Historique :

Si localement on a gardé l’habitude de l’appeler « Maison Limbour », du nom de son ancien propriétaire qui y a longtemps tenu une boucherie-charcuterie, elle est aussi dénommée par tradition, « Hôtel des princes » : les invités du château y étaient généralement logés. Située au n°14 de la rue Joseph-Pérès (anciennement Grande-rue), cette maison dont l’occupation est attestée depuis 1508 par les textes, a toujours fait partie intégrante du paysage guémenois, immortalisée par de nombreuses cartes postales.

Cartes postales anciennes montrant la maison à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles © Archives départementales du Morbihan

 

Consciente de son intérêt patrimonial, la Commune l’achète en 2010 dans l’optique de la préserver, mais sans idée précise alors de son devenir. Un an plus tard, la Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS, désormais nommée CRPA) propose son inscription au titre des Monuments Historiques, comme témoignage majeur d’une architecture civile de la fin du Moyen-Age.

Sans doute aurez-vous noté cette porte curieusement située au 1er étage ? Les étages de ce type de maison étaient communément distribués par un escalier à vis, la porte servait donc à faire entrer (ou sortir) le mobilier encombrant du logis !

Des dispositions d’origine préservées :

Le bâtiment de plan rectangulaire allongé, à pignon sur rue, à deux étages sous combles avec passage latéral d’accès à l’arrière, occupe en effet une parcelle toute en longueur, dite « en lanière », qui caractérise le paysage urbain de cette ville. La répartition des espaces est aussi particulièrement intéressante puisqu’elle s’accompagnait de communs (écurie, boulangerie, celliers, etc…) répartis dans deux cours postérieures :

  • l’une accessible depuis la Grande rue par une venelle longeant le mur oriental de la maison,
  • l’autre depuis une rue perpendiculaire voisine par un passage cocher ménagé sous une maison.

 

La redécouverte d’une maison à porche :

La maison a subi depuis sa construction de nombreuses modifications et amputations :

  • réfection de la charpente,
  • suppression des cours arrières et des dépendances,
  • perte de son contexte urbain suite à la démolition de la maison mitoyenne qui délimitait la venelle de service,
  • remplacement de l’essentage en façade par un décor de fausse brique recouvrant le torchis…

Mais dans le cadre d’une opération de revitalisation du centre-ville, l’étude conduite par l’architecte DPLG Florence Devernay a permis de redécouvrir une particularité architecturale majeure, à savoir un porche en rez-de-façade. Or sur les cartes postales et les photographies anciennes des années 1900 à 1940, il n’apparaît déjà plus, deux fenêtres viennent encadrer la porte, remplacées ensuite par une vitrine dans les années 50.

Le choix de la Ville s’était pourtant arrêté sur la restauration de l’état 19ème de la façade, jusqu’à ce que les poteaux du porche ancien réapparaissent au démarrage des travaux! C’est donc la façade du 16ème siècle, avec son pan de bois et son porche d’origine, qui lui a été restituée.

                                                          © Mairie de Guémené-sur-Scorff

Une typologie loin d’être isolée :

La Maison Limbour n’est pas la seule maison à porche de Guémené-sur-Scorff comme nous l’apprennent les archives et notamment un plan de 1834 conservé aux Archives Départementales du Morbihan sous la cote S 1319. Sa voisine directe, l’actuel n°12 rue Joseph-Pérès, possédait elle aussi un porche soutenu par trois piliers, mais la mise en oeuvre progressive du plan d’alignement a entraîné leur disparition au cours du 19ème siècle.

Les maisons à porche sont presque uniquement présentes dans l’Est de la Bretagne, sur les communes de Vitré et de Dinan entre autres. Même remanié et dénaturé, cet édifice compte parmi les exemples situés les plus à l’Ouest, à l’instar de la fameuse  « Maison dite des porches » de Josselin dont la Région Bretagne a également accompagné la restauration en 2011 et 2012.

 

La Région Bretagne est intervenue à hauteur de 25 % sur la restauration de la façade dans le cadre de l’aide qu’elle apporte aux projets patrimoniaux publics de territoire, sur un monument protégé (comme c’est le cas ici) et dès lors qu’une démarche de mise en valeur auprès du public est menée en parallèle des travaux conservatoires.

 

Quelques clefs de lecture :

La protection de la façade contre le ruissellement de la pluie était assurée par un pignon débordant et des larmiers recouverts d’ardoises. Plusieurs cheminées en pierre dont les conduits sont maçonnés dans les murs gouttereaux garantissaient un certain confort intérieur.

 

 

Les intérieurs sont éclairés par une lucarne dans le grenier et des fenêtres à chaque étage.

Le décor du 16ème siècle se concentre sur les consoles et sablières, sculptées de motifs géométriques typiques. Si au 19ème siècle le pan de bois a été enduit et peint de manière à imiter des figures polychromes en briques, des motifs peints remarquable du 17ème siècle sur les poutres et les solives ont été conservés, ainsi qu’une gravure du Régent de France, Philippe d’Orléans, restée collée à même une cloison en bois !

 

 

Vue générale en 2000 © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

 

© Mairie de Guémené-sur-Scorff

 

 

 

La restauration actuelle redonne à voir le pan de bois d’origine, sobre dans sa mise en œuvre : le contreventement est assuré par des croix de Saint-André sous les fenêtres du premier étage et de simples potelets sous celles du deuxième étage.

Ces ouvertures sont de petit format et alignées, avec des appuis filants sur toute la largeur de la façade qui servent de larmiers et recouverts de plomb.

La circulation sous le porche a été rétablie grâce à trois piliers en pierre dont deux seulement avaient été conservés. La polychromie des bois vient rehausser l’esthétique de la façade.

 

Aujourd’hui une nouvelle vie commence !

Le rez-de-chaussée et le premier étage ont été investis par la Maison des Services au Public : un lieu dans lequel les habitants peuvent être accompagnés dans leurs différentes démarches administratives (emploi, retraite, famille, social, santé, logement, énergie, accès au droit, etc…). En fonction de son implantation sur le territoire, chaque MSAP construit une « offre de services » spécifique et surtout, adaptée aux besoins identifiés sur son bassin de vie.

Restaurée et réinvestie grâce à ce projet public, la maison Limbour contribue à l’attractivité du centre bourg. Elle accueillera également au second étage un espace destiné à valoriser la culture Pourleth.

 

Un inventaire des constructions urbaines en pan de bois est en cours :

Mieux connaître le patrimoine urbain en pan de bois pour mieux le valoriser, c’est là tout l’enjeu de l’enquête d’Inventaire régionale engagée par la Région Bretagne en 2019. La complémentarité des études de terrain, de recherches documentaires en archives et de collectes iconographiques renouvelle et enrichit la connaissance du patrimoine. Diffusées en ligne,  les données ainsi produites sont accessibles à tous et facilement ré-appropriables par chacun.

Cette étude thématique qui vient de démarrer, concerne plus d’une centaine de bourgs et villes sur toute la Bretagne, et elle est participative. Rendez-vous prochainement sur le guide des aides régionales pour découvrir un nouvel appel à projet dédié.

 

Pour en savoir plus :

– Quelques termes de vocabulaire :

  • console : petite pièce de bois qui renforce l’encorbellement. Elle est ancrée à la fois dans le poteau vertical et dans la poutre qui est en saillie.
  • contreventement : ensemble des pièces de bois obliques ou droites qui renforcent l’ossature en bois d’un édifice.
  • encorbellement : élément en surplomb.
  • larmier : pièce en saillie du mur, qui permet d’en écarter les eaux pluviales.
  • sablière : poutre placée horizontalement dans le mur, qui délimite un étage et dessert notamment de support aux solives du plancher.

– Etude urbaine et patrimoniale publiée par Claudie HERBAUT dans le Bulletin et Mémoires de la Société Polymathique du Morbihan, t. CXXXVI, 2010 (p. 295-312).

– Les Maisons de Services au Public

– Guémené-sur-Scorff, Petite Cité de Caractère

La Porte des Rohan (ci-dessus) et une vue de la rue Emile Mazé (ci-dessous), Emmanuel Berthier © Comité régional du tourisme de Bretagne