inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

Le 7 janvier, six multicoques, véritables géants des mers, ont quitté le port de Brest pour un tour du monde en solitaire d’ouest en est. Les Brestois connaissent bien le quai Malbert où le village de l’Arkéa Ultim Challenge a pris place. C’est là d’où partent les courses au large, où les promeneurs de la pause méridienne admirent le remorqueur l’Abeille Bourbon et observent la rade et son goulet, le tout à proximité de différents lieux de convivialité.

 

Ancré dans le quotidien des Brestois, un quai emblématique de l’histoire du port de Brest

L’étude d’Inventaire du port de Brest menée par la Région Bretagne, dans le cadre de l’enquête thématique sur les patrimoines culturels des ports de Bretagne, a permis de porter un regard patrimonial sur le quai Malbert et certains des édifices qui y sont implantés, en retraçant les usages depuis la création du port de commerce, il y a 160 ans, jusqu’à nos jours.

Les passionnés du patrimoine y voient le quai où était amarré Le Cyclope, le remorqueur commandé par le capitaine André Laurent (Jean Gabin) dans le film Remorques (1941), ils y visitent aussi le chantier du Guip, spécialisé dans la restauration des navires en bois. Ce quai, qui doit son nom au précurseur de la mission de sauvetage menée par remorqueurs (commandant Louis Malbert 1881-1949), est le symbole des mutations d’un site portuaire.

 

Une infrastructure au cœur de la vie économique

1859, un décret impérial valide la création d’un port, à Brest, dédié exclusivement au commerce. Ce nouveau port s’implante au pied des falaises de Porstrein. Tout est à construire ! Les 5 bassins prévus doivent être protégés des courants, du vent et des vagues par des jetées. Une Est, une Sud et une Ouest, cette dernière étant celle qu’aujourd’hui tout le monde nomme le quai Malbert.

Une architecture moderniste et fonctionnelle aux lignes épurées, unique sur le port de Brest © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

En 1865, alors que les travaux du port Napoléon vont bon train, la jetée de l’Ouest et son quai aménagé accueillent les premiers navires de commerce. Durant près d’un siècle, sur ce quai, sont déchargés puis stockés charbon et tonneaux de vins là où aujourd’hui, nous garons nos voitures.

Si chais et entrepôts ont disparu du quai Malbert, il y demeure un témoin de ces trafics commerciaux : l’ancien bâtiment de la compagnie internationale Worms. Implantée à partir de 1911 sur la jetée de l’Ouest, alors nommée le quai de la Santé, la compagnie anglaise, initialement spécialisée dans le commerce de charbon, développe son activité de services maritimes avec des succursales au Havre, Bordeaux, Hambourg et Anvers avant de s’implanter en Afrique. Brest se trouve ainsi au cœur d’un réseau international de navigation. Suite aux dommages de guerre, la compagnie opte, lors la reconstruction de ses locaux, pour une architecture fonctionnaliste et épurée. Zone de stockage en rez-de-chaussée, bureaux à l’étage : la fonctionnalité de cette architecture datée de 1949 en a permis la réhabilitation et donc sa conservation.

 

 

Un lien puissant avec la mer et la sécurité maritime

Au bout du quai, un bâtiment de couleur ocre, orné en façade d’une ancre marine et d’une étoile, est entouré de balises colorées. Le parc de balisage des Phares et Balises est implanté sur cette jetée depuis 1879. Le site, entièrement détruit lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, est reconstruit entre 1948 et 1954. Il est intrinsèquement lié au quai d’où les baliseurs quittent leurs amarres pour mener à bien les missions d’entretien des phares et des balises, essentiels à la signalisation maritime et à la sécurisation de la navigation. L’ensemble du parc, associé au navire baliseur, participe à l’identité du quai Malbert et du port de commerce de Brest.

140 ans d’occupation, 3 styles architecturaux : l’un correspond aux codes de l’architecture administrative de la fin du 19e, l’autre est de style régionaliste (1938), puis le dernier décline une architecture fonctionnaliste des années 1950. © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne
Parc à balisage du site brestois de la Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique – Manche Ouest © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne
340 mètres de quai pour des usages différents ; 160 ans rythmés de rupture et de permanence © Service de l’Inventaire du patrimoine, Région Bretagne

 

 

Un dernier témoin, bien plus discret mais contemporain de la construction du port, mérite une attention toute particulière. Une façade terne, des volumes déséquilibrés suites à des agrandissements, un voisinage rutilant, font que le promeneur s’en détourne. Et pourtant, il s’agit du bâtiment le plus ancien du port dont la construction est actée par décision ministérielle le 1er décembre 1873. Le 30 bis du quai Malbert, ancien bureau du port , hébergeait les officiers en charge de la police portuaire.

 

Les évolutions et changements de fonction sur ce site, historiquement portuaire mais de plus en plus tertiaire, donneront sans nul doute l’opportunité à ce bâtiment de 1874 de retrouver une vie de bureau ! D’autant que depuis son toit-terrasse, nous avons un point de vue exceptionnel sur le ponton des Ultims.