À La Roche-Jaudy (22), une passerelle à charpente métallique relie le parc du château de Kermezen au bois voisin. Elle utilise une technique de poutres treillis métalliques popularisée par Gustave Eiffel à la fin du 19e siècle qui témoigne du goût de son commanditaire, Joseph de Kermel, pour les nouvelles techniques industrielles de construction.
En 2024, cet ouvrage a fait l’objet d’un dossier à l’occasion de l’opération d’Inventaire du patrimoine conduite à l’échelle de Lannion Trégor Communauté qui soulignait son caractère exceptionnel mais rendait compte aussi de son mauvais état.
Sélectionné depuis par la Fondation du patrimoine, il fait l’objet d’un chantier de restauration qui débute cet automne, avec pour objectif de le rendre accessible aux publics et de l’intégrer à des circuits de promenade autour du château.
Les archives familiales des Kermel, toujours propriétaires du site, conservent la trace de l’histoire singulière de la construction de cette passerelle. Homme curieux et entrepreneur, également maire de sa commune, Joseph de Kermel (1799-1877) est un ardent promoteur de l’extension des chemins de fer vers le Trégor. Son intérêt pour les nouvelles technologies le conduit en 1867 à l’Exposition Universelle de Paris consacrée à l’art et l’industrie. Sa rencontre avec Gustave Eiffel le convainc de recourir aux nouvelles techniques industrielles de construction métallique pour la réalisation d’une passerelle entre le parc de son château et le bois voisin. Le jeune ingénieur lui propose un plan à partir duquel Joseph de Kermel échange avec Henri Joret, entrepreneur, dont l’atelier se situe dans l’Oise, à Montataire, et qu’il avait également rencontré à l’Exposition Universelle.
En 1874, 31 pièces détachées sont ainsi transportées par le train, de Montataire à Guingamp, puis livrées par voiture à cheval, jusqu’au château.
La passerelle de Kermezen est un des très rares ouvrages privés conçus par Gustave Eiffel. En dépit de sa modestie, avec son tablier constitué de poutrelles transversales en fer riveté, fixées à deux poutres longitudinales en treillis, elle témoigne des techniques d’avant-garde mises en œuvre pour sa réalisation.