Édifier des structures qui résistent au temps pour laisser une trace et marquer le paysage de son empreinte semble caractériser la présence humaine au fil des siècles et des millénaires.
Le mégalithisme dans le monde et en Bretagne
Le mégalithisme (construction en grosses [mega] pierres [lithos]) est une manifestation de cette volonté monumentale et symbolique que l’on retrouve à travers les âges et à travers le monde.
On trouve en effet des monuments mégalithiques partout sur la planète, certains vieux de plus de 7000 ans quand d’autres nous sont contemporains.
L’Europe est marquée par cette présence de monuments mégalithiques sur toute sa façade atlantique, depuis le sud de l’Espagne jusqu’au sud de la Suède, mais également en Méditerranée occidentale : Catalogne, Baléares, Corse et Sardaigne.
L’ouest de la France est particulièrement concerné par ce phénomène mégalithique. Souvent associés à tort à l’âge celte ou gaulois (merci Astérix !), ces monuments érigés par des populations qui ignoraient l’usage du métal sont très présents en Bretagne. Les termes dolmens et menhirs d’ailleurs utilisés communément sont issus du breton.
En Bretagne, un territoire émerge et interpelle encore davantage par sa richesse et sa concentration en pierres dressées, il s’agit du littoral morbihannais.
Cette aire du sud Morbihan est aujourd’hui candidate à une inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco sous l’appellation Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan.
La révolution néolithique
Vers -6000 ans avant notre ère s’ouvre la période du néolithique, (littéralement nouvel âge de la pierre, par opposition aux époques antérieures : Paléolithique et Mésolithique).
Le climat se réchauffe et l’environnement évolue : les forêts tempérées se développent, les grands animaux se déplacent vers le cercle polaire ou disparaissent et les groupes humains s’adaptent à l’apparition d’une faune et d’une flore nouvelles.
Les modes de vie s’en trouvent transformés : les hommes se sédentarisent et s’initient à l’agriculture et l’élevage. Avec la mise en place de cette économie agropastorale, la société va modifier son espace de vie ; ainsi pour surveiller les cultures on construit des habitats permanents, avec de véritables maisons.
Ces changements de modes de vie vont favoriser l’émergence de sociétés complexes et hiérarchisées, avec l’apparition « d’élites » et la structuration d’une pensée religieuse. Avec ces premières sédentarisations les hommes vont également s’engager dans l’aménagement du monde de leurs morts.
Des architectures non domestiques apparaissent, certaines particulièrement spectaculaires et dont les constructions massives mettent en scène un jeu de rapports hiérarchiques entre individus ou des croyances perdues.
Le littoral morbihannais regorge de vestiges mégalithiques qui témoignent du legs de ces sociétés déjà très structurées.
Les mégalithes des rives du Morbihan
Dans cet espace bien différent de celui qui se présente à nous aujourd’hui (le niveau marin était inférieur de 7 m à celui que nous connaissons actuellement), un peuplement dense et dynamique s’est installé et a su dégager la prospérité et l’ingéniosité indispensables à de telles réalisations.
En effet, pour construire ces monuments mégalithiques, une véritable prouesse technique est requise, afin d’extraire des tonnes de pierres des carrières, d’abattre de nombreux arbres pour les rouleaux nécessaires au déplacement de ces mêmes pierres sur des kilomètres et enfin lever ses géants de plusieurs tonnes.
Et dès le début du mégalithisme breton au Ve millénaire avant notre ère, les constructions sont marquées par un certain gigantisme. On peut distinguer deux grandes familles de monuments : 1) les ouvrages de stèles et 2) les tombeaux.
1- Les ouvrages de stèles
Il y a trois grandes catégories d’ouvrages de stèles :
Les menhirs (du breton men (ou maen) = pierre et hir = long). Isolées, elles correspondent souvent au dernier vestige d’ouvrages plus complexes et c’est dans leur appartenance à un ensemble architectural complexe et hors du commun qu’elles révèlent leur caractère exceptionnel. On compte 88 sites dans le périmètre du bien candidat à l’Unesco.
Les alignements de stèles : disposés à la jonction de différents caractères du paysage, ils s’appuient sur des singularités géographiques (topographiques et/ou hydrographiques) pour limiter, diviser, jalonner l’espace ou un parcours. On compte 110 sites dans le périmètre du bien candidat à l’Unesco.
Les enceintes/cromlechs de stèles : les pierres sont disposées en lignes courbes. En relation avec les menhirs isolés ou les alignements, elles participent de réalisations architecturales par l’intermédiaire desquelles l’Homme a construit son milieu à partir de ses valeurs et ses représentations. On compte 12 sites dans le périmètre du bien candidat à l’Unesco.
2- Les tombeaux
Il existe deux grandes catégories de tombeaux.
Les dolmens / tombes à couloirs (du breton toal = table, an doal = une table et men (ou maen) = pierre) : un édifice funéraire composé d’une ou plusieurs tables de pierre en équilibre sur des piliers verticaux (orthostats). Originellement recouvert d’un tumulus, le dolmen constitue le vestige d’une structure plus conséquente aujourd’hui disparue.
On compte 12 sites dans le périmètre du bien candidat à l’Unesco.
Dolmen de Crucuno ©Région Bretagne
Les tumulus (du latin tumere = élévation) : C’est une enveloppe qui recouvre généralement une ou plusieurs tombes. Si les structures sont composées de terre, on parlera alors de tertre, si ce sont des pierres, on parlera de cairn.
On compte 145 sites dans le périmètre du bien candidat à l’Unesco.
Cette richesse et cette complexité sont complétées par une abondance de parois gravées mais aussi un grand nombre d’objets polis découverts au contact de ces moments qui témoignent de circulations à très longue distance.
Ces architectures sont inscrites dans l’environnement, en lien avec la mer, les estuaires, les rivières, les hauteurs, les plaines. Elles jouent un rôle de repères autant que de marqueurs structurant le paysage et le chargeant de significations.
Un long chemin jusqu’à la reconnaissance mondiale
Pour intégrer le club très fermé du patrimoine mondial de l’Unesco, le chemin est long et marqué d’étapes importantes. L’idée d’une candidature des mégalithes a germé dès les années 1980 ! A cette date, seuls les mégalithes de Carnac figurent sur la Liste indicative française, première étape obligatoire avant l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial.
Il faut alors plusieurs années pour laisser grandir et structurer le projet, entreprendre d’importants chantiers de fouilles archéologiques et trouver la structure idoine pour porter la démarche d’une candidature Unesco.
En 2005, à la faveur des découvertes et avancées scientifiques, un nouveau périmètre est délimité pour la candidature et en 2012 les communes se structurent en l’association Paysages de mégalithes.
La zone concernée
Au sein d’un territoire compris entre la presqu’ile de Rhuys et la ria d’Etel, 4 aires ont donc été délimitées qui représentent le Bien proposé à la candidature. Elles fonctionnent comme autant de zooms sur phénomène mégalithique et doivent se comprendre dans leurs interactions avec le paysage, notamment les rives, les rias et les rivières et le paysage maritime.
Une zone tampon plus large inclut l’environnement (lignes de crêtes, vallées, continuité des plateaux…) qui participe à l’identité de ce périmètre.
Il s’agit donc d’un territoire de plus de 1000 km² comprenant plus de 550 monuments mégalithiques.
En attendant l’inscription
L’association et les partenaires associés travaillent d’arrache-pied à l’aboutissement de cette candidature :
- Le dossier est en cours de finalisation, notamment le plan de gestion, qui garantit la préservation et la protection du bien mais qui s’attache également à définir comment donner à voir et à comprendre ce patrimoine au plus grand nombre.
- A la fin de l’année, le dossier sera déposé auprès de l’état français puis il faudra attendre l’été 2025 avant de connaître l’avis des experts internationaux et de connaître le verdict.
- Dans l’attente de cette décision, il importe que la population, les bretons et les bretonnes s’approprient ce patrimoine et cette candidature.
- L’association va à la rencontre des habitants, lors de réunions publiques ; elle mène des projets avec de nombreux élèves, grâce à plusieurs projets d’éducation artistique et culturelle.
- Un film expliquant le pourquoi et le comment de la candidature est visionnable ici, pour tout comprendre en quelques minutes !
La Région Bretagne qui soutient l’association depuis le démarrage du projet s’attache à soutenir cette candidature mais plus encore à la connecter aux nombreux autres sites mégalithiques bretons.
Au-delà des rives du Morbihan, c’est tout un vivier d’acteurs qui entretient et fait vivre le patrimoine mégalithique en Bretagne.
A la découverte d’autres sites mégalithiques bretons :
Pour aller plus loin :
« Mégalithes d’ici, mégalithes d’ailleurs », une exposition réalisée par le laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie (Facultés des sciences) de l’Université de Genève
Les mégalithes du Morbihan, une exposition virtuelle du Ministère de la Culture
Bienvenue au néolithique, le dossier multimédia de l’Inrap
Le néolithique en 3 minutes, un film d’animation d’Arte et l’Inrap
Carbone 14, le mégalithisme dans le monde, un podcast de France Culture
Le mégalithisme en Bretagne, un article de Yannick Cerf sur Bécédia
L’exposition « 5000 ans avant J.-C. en Morbihan, le Néolithique s’explique » à voir à Auray jusqu’en octobre puis à Vannes
L’association des Biens français du patrimoine mondial – l’ABFPM : https://www.assofrance-patrimoinemondial.org/