inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

Sujet mis à l’honneur avec la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le patrimoine des sports a fait l’objet d’une opération d’Inventaire en Bretagne de 2014 à 2019. Ce choix de programmation témoigne de l’intérêt du sujet, au croisement de grands courants architecturaux du XXe siècle et d’évolutions sociétales majeures. Intimement liée à l’histoire des investissements publics, la construction des équipements sportifs mobilise de grands noms de l’architecture et de l’ingénierie, y compris au travers d’expressions régionalistes. L’importance croissante des normes de sécurité et d’accueil des publics, la spécialisation des pratiques et leur technicité sont à l’origine de programmes de plus en plus complexes.

 

Avant le dernier quart du XIXe siècle, hormis l’exception des jeux de paume dont Rennes a la chance d’avoir conservé un rare exemple, les pratiques sportives disposaient rarement d’installations pérennes. La toponymie de nombre de villes garde en revanche la mémoire des lices éphémères aménagées pour les joutes médiévales ou des tournois de papegault.

La construction d’équipements démarre au lendemain de la guerre 1870-1871 parce qu’on attribue la défaite nationale à l’impréparation physique des jeunes français. Il s’agit donc d’entrainer les corps des nouvelles générations pour préparer la revanche : en 1880, la loi Georges impose l’éducation physique dans les programmes scolaires, et l’effort se prolonge avec la IIIe République. L’État construit les premiers gymnases dans les lycées et écoles de garçons (lycée Saint-François-Xavier à Vannes, 1870 ; lycée La Tour d’Auvergne de Quimper, 1886 ; école Jules Ferry de Pontivy, 1906). Des gymnases municipaux ou associatifs voient ensuite le jour, ainsi que des piscines. À Rennes, la piscine Saint-Georges s’inscrit dans un ambitieux programme hygiéniste souhaité dès 1913 par le maire Jean Janvier mais n’aboutit qu’en 1926.

Dans l’entre-deux-guerres, la formule de la salle omnisports s’impose, portée par l’engouement pour les sports collectifs venus d’Outre-Manche. Ses formats évoluent avec les modes architecturales. Les voûtes béton et charpentes métalliques apportent des solutions techniques pertinentes et peu onéreuses. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le cadre de la planification permet au secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports d’initier des concours pour concevoir des structures « industrialisées ». Les COSEC (complexes sportifs évolutifs couverts) voient le jour en 1971 et, par souci d’économie, utilisent largement des éléments préfabriqués.

Comme si l’histoire se répétait, ce sont les mauvais résultats de l’équipe de France de natation aux Jeux Olympiques de 1968 qui déclenchent l’ambitieux programme des « mille piscines » voulu par le général de Gaulle. La France n’en comptait alors que 409 publiques pour l’ensemble du territoire métropolitain. En quelques années, on en construit près de 700, déclinant les modèles Iris, Plein-Ciel, Plein-Soleil, Caneton et enfin Tournesol pensée par l’architecte Bernard Schoeller (1929-2020).

Avec les avancées de la décentralisation, l’initiative de la construction revient de plus en plus aux collectivités locales. L’équipement sportif devient le fer de lance de politiques de proximité. Les municipalités rivalisent d’ambition. Les concours qu’elles organisent mobilisent de grands architectes qui spécialisent leurs agences pour prendre en charge la complexité technique des programmes comme celui du centre aquatique de Quimper.

 

 

 

Le patrimoine sportif, expression d’un régionalisme ?

École de voile de Saint-Pierre-Quiberon (56) dessinée par Yves Guillou et golf de Dinard (35) par Marcel Oudin.

L’enquête d’Inventaire menée en Bretagne de 2014 à 2019 sur le patrimoine des sports a recensé plus de 5 000 installations. Le corpus le plus important est celui des gymnases (2 500) exhaustivement repérés au cours de l’enquête. Rennes en compte une centaine, Brest presque autant. Leur variété de formes et de matériaux décline les différents courants architecturaux qui ont prévalu à leur construction.

La géographie et l’histoire bretonnes favorisent certaines pratiques : le développement du tourisme a favorisé l’installation de piscines d’eau de mer, yacht-club et autres investissements portés par les stations pour renforcer leur attractivité. Ainsi Yves Hémar construit-il en 1932 le yacht-club de Dinard pour la société nautique créée dès 1878, et Marcel Houdin le club house du golf de Saint-Briac. Dans les années 1960, et la mouvance de celle des sports de montagne, la démocratisation de la voile entraine la multiplication de centres nautiques. André Gomis développe un programme minimaliste aux Glénan (1968) ; Yves Guillou expérimente des lignes plus futuristes à Carnac et La Trinité-sur-Mer en 1966, puis l’école nationale de voile et des sports nautiques de Saint-Pierre-de-Quiberon (1971).

L’Inventaire du patrimoine des sports a également permis de souligner que les témoignages architecturaux ne sont pas forcément proportionnels à l’attachement à certaines pratiques. Les sports hippiques, le cyclisme, pourtant très implantés en Bretagne, ne se traduisent que dans peu de constructions. Les hippodromes suscitent des constructions modestes voire éphémères : aucune installation durable en effet pour les hippodromes marins, alors que trois des quatre nationaux (Plouescat, Plestin-les-Grèves et Ploubalay) sont bretons. On compte bien 21  vélodromes, mais l’organisation des courses cyclistes, traditionnellement calée sur celle de pardons, se déroule sur route. Les tribunes à l’entrée de Châteaulin (29) destinée à accueillir l’arrivée de l’incontournable course des Boucles de l’Aulne n’existent plus qu’à l’état de vestiges.

 

 

La plage des familles de Pontivy (56), un équipement de loisirs des années du Front populaire, état en 2013

Un patrimoine a sauvegarder

Comme tous les patrimoines récents, le patrimoine des sports souffre en effet de fragilité et d’obsolescence rapide. Les modes, les évolutions des pratiques, les contraintes croissantes de sécurité des publics et de gestion énergétique sont à l’origine de nombreuses transformations dont beaucoup sont conduites sans prendre pleinement la mesure de la valeur architecturale de l’édifice. Il a fallu attendre 2016 pour que la piscine Saint-Georges soit protégée au titre des Monuments historiques. Confrontées aux envies de complexes aquatiques autant qu’au vieillissement de leurs coques plastiques, la plupart des piscines Tournesol ont disparu. En Bretagne, seules subsistent aujourd’hui celle du Bois-du-Château à Lorient et celle des Métairies à Nivillac. Sans atteindre la protection Monument historique, le label Architecture Contemporaine Remarquable vient porter un éclairage sur un certain nombre de réalisations. C’est le cas de la plage des familles de Pontivy et du complexe Le Gall — Le Nouène d’Hennebont (décembre 2022) et l’on pourrait imaginer cette même reconnaissance pour plusieurs centres nautiques, gymnases du territoire.

 

 

Une déambulation photographique parmi les équipements sportifs bretons, à retrouver en librairie à partir du 27 octobre 2023.

PLONGEZ DANS Géométrie Sportive

Plutôt qu’une synthèse érudite, la Région Bretagne a choisi de donner à voir le regard porté par l’Inventaire sur le patrimoine des sports sous la forme d’une déambulation photographique issue de l’étude dans les piscines, gymnases, centres nautiques, vélodromes et autres équipements. La sélection des clichés est portée par des lignes et des couleurs, comme un inventaire de formes géométriques, une invitation à regarder, derrière la dimension fonctionnelle de ces lieux, l’esprit des lieux, et à laisser s’y installer une dimension patrimoniale.

Géométrie sportive paraîtra fin octobre 2023. Il se glissera aussi dans l’exposition que prépare le musée de Bretagne pour le second semestre 2024. Comme plusieurs centres d’archives, en accompagnement de la dynamique olympique, l’institution rennaise a engagé une collecte de témoignages, photos, affiches… De juin à septembre 2024, une exposition croisera ces fonds avec des photos issues de l’étude d’Inventaire.