La richesse et la diversité des milieux naturels du Golfe du Morbihan ont favorisé le développement d’activités liées à la présence du littoral, activités qui, à leur tour, ont façonné les paysages littoraux. Ainsi, de nombreux ouvrages spécifiques se sont implantés sur ces côtes dentelées et ces larges rias. Ils sont néanmoins aujourd’hui confrontés aux dégradations du temps, à l’abandon ou aux changements d’usage, aux effets du changement climatique ou aux incivilités, ainsi qu’à une grande complexité de gestion. C’est la raison pour laquelle, le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan s’est engagé dans la conduite d’un inventaire du patrimoine bâti maritime, en partenariat avec la Région Bretagne, pour améliorer la connaissance de ces éléments, donner à lire leur valeur patrimoniale, paysagère et identitaire, mais aussi leur vulnérabilité pour mieux accompagner la réflexion sur leur gestion future.
Dès l’existence de la petite mer, « Mor Bihan » en breton, les populations locales ont dû se livrer à la pêche : pêche à pied, pêche embarquée avec les premières pirogues monoxyles et construction de pièges à poissons. Puis, à partir du milieu du XIXe siècle, est pratiquée la pêche au carrelet. Malheureusement, la montée des eaux, l’évolution des pratiques et le passage du temps, ont effacé la plupart des traces de ces constructions et porté à l’oubli ces usages. L’opération d’Inventaire du patrimoine bâti maritime du Golfe du Morbihan a permis de faire (re)découvrir ces techniques et aménagements de pêche.
Les pièges à poissons
À la Préhistoire, les activités halieutiques qui se développent sur la façade maritime de la péninsule bretonne ont pu favoriser la sédentarisation des groupes de pêcheurs-collecteurs sur ces rivages. D’anciens aménagements littoraux, tels des pièges à poissons en bois ou/et en pierre, témoignent de techniques de pêche et de récolte de produits de la mer. Appelées gors, goret, gored, gorbont sur les côtes bretonnes, ces anciennes installations fixes de piégeage permettaient de récupérer des poissons vivants ou des crustacés à marée descendante, soit pour une consommation immédiate, soit pour constituer des viviers. Sur les 582 pêcheries fixes recensées en Bretagne, le golfe du Morbihan en compte 19 qui ont pu être identifiées grâce à des restes de barrages empierrés.
Ces pièges à poissons témoignent de l’adaptation de l’Homme au milieu littoral avec la mise en place d’une véritable stratégie de pêche, apportant un apport régulier de produits de la mer. Si leur implantation dès la Préhistoire est difficile à déterminer en l’absence de source documentaire ou de restes organiques, permettant d’effectuer une datation au carbone 14, leur existence durant tout le Moyen Âge et jusqu’à l’époque Moderne ne fait aucun doute. À partir du XVIIe siècle, le rivage de la mer est intégré au Domaine Public Maritime et au XVIIIe siècle les pêcheries deviennent un enjeu de pouvoir. À la fin du XVIIIe siècle, une alerte est donnée sur les comportements abusifs des pêcheurs et vers le milieu du XIXe siècle, pour parer à l’exploitation excessive des ressources marines et respecter le cycle de renouvellement des espèces, les pêcheries ne seront plus autorisées.
Ces pêcheries fixes constituent un patrimoine maritime méconnu et aujourd’hui menacé de destruction par des aménagements (parcs à huîtres, ports, etc.) ou des facteurs naturels (tempêtes, érosion). Leur inventaire par l’ADRAMAR et AMARAI [1], puis leur valorisation dans le cadre de l’Inventaire du patrimoine bâti maritime du Golfe du Morbihan, constituent une première étape dans la connaissance et la préservation de ce patrimoine et des savoir-faire associés.
La pêche au carrelet
Le golfe du Morbihan comporte également des témoignages d’une pratique de pêche apparue plus tardivement, la pêche au carrelet. L’apparition du carrelet est difficile à dater, cependant le mot avec l’orthographe de “quarlet” date de 1360 environ. Sur le territoire du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, quelques carrelets sont encore visibles dans le paysage, le long de la rivière du Loch. Les premiers, en bois, ont été réalisés par les cheminots d’Auray à partir du milieu du XIXe siècle pour répondre à un besoin de complément alimentaire. Une autorisation d’installation devait être demandée auprès des Affaires maritimes. Les carrelets étaient aménagés sur la rive, à un poste fixe, mais quelques pêcheurs en équipaient l’arrière de leur de petits bateaux. Anguilles, plies, mulets, crevettes, etc. étaient ainsi attrapés dans les mailles resserrées du filet. Aujourd’hui ne subsistent que 9 carrelets, présentant différents états de conservation. Certains, constitués de parties en bois et/ou métal et d’un filet amovible, sont encore utilisés ponctuellement pour une activité de loisir.
L’identification de ces carrelets, dans le cadre de l’Inventaire du patrimoine bâti maritime littoral, a porté à connaissance cette pratique de pêche tombée en désuétude et a sensibilisé à la vulnérabilité de ce patrimoine.
Pour aller plus loin :
- répartition géographique du patrimoine bâti maritime littoral du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan
- les dossiers d’études d’Inventaire sur le patrimoine bâti maritime du PNR Golfe du Morbihan
[1] ADRAMAR : Association pour le développement de la recherche en archéologie maritime
AMARAI : Association Manche Atlantique pour la Recherche Archéologique dans les Îles