inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

 

 

 

 « Une dernière question ?… » demande Marie Caillaud, responsable des partenariats d’Inventaire à l’issue de la dernière table ronde de la traditionnelle journée d’études organisée chaque année par la Région Bretagne pour tous les acteurs engagés dans des opérations d’Inventaire du patrimoine. On y parle méthodologie et bases de données bien sûr, mais on y partage surtout son comptant d’engagement, d’attachement au territoire et une bonne dose de passion contagieuse. Il est déjà 16h15 ce mercredi 5 avril 2023, et une participante, nullement impressionnée par la lourde responsabilité de cette dernière interpellation, s’interroge sur les difficultés de mise en œuvre (et la pertinence ?) d’associer une classe de… maternelle à l’Inventaire participatif conduit sur le Pays d’Art et d’Histoire des Rohan. En réponse, Claire Tartamella, l’animatrice du patrimoine, évoque le besoin de retisser les liens du vivre-ensemble après la période difficile de la pandémie, et que le temps passé pour renouveler les dynamiques, notamment avec les plus jeunes, « n’est jamais du temps perdu ». Le murmure approbateur de la salle valide cette conclusion, d’autant que c’est bien cette capacité de l’Inventaire et du patrimoine à animer d’innombrables sociabilités que la journée a explorée. On conclura alors aussi qu’une telle journée d’échanges, ou que le temps (parfois jugé trop long) de l’Inventaire n’est jamais, non plus, du temps perdu.

Vous avez dit « petites cuillères » ?

Aucune expérience évoquée au cours de la journée par ceux qui ont rendu compte de leurs expériences d’Inventaire n’a échappé à l’attention de ceux qui s’apprêtent également à devenir contributeurs. Les nouveaux candidats sont dans les startings-blocks, qui avec un Inventaire des plate-tombes, qui avec celui des demeures de parlementaires d’Ancien Régime, des murs de Roscoff (29) ou de la commune de Pleslin-Trigavou (22) alors qu’Iwan Le Clec’h s’appuie sur les réseaux sociaux pour recenser bornes Michelin, plaques de cocher et autres patrimoines routiers, que le FAR de Saint-Just valorise toutes les utilisations du schiste et que toute l’équipe d’Océanide continue à troquer des tuiles pour encourager la restauration des toits rouges du Trégor. À la clôture des débats, on a le sentiment qu’il tarde à chaque participant de courir poursuivre ses explorations et contribuer à l’œuvre collective…

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Derrière ces histoires de murs et de kanndis, de croix et de bannières, ce sont des histoires humaines qui se racontent. Même une simple maçonnerie de pierres sèches peut révéler les traits de personnalité de celui qui l’a monté… C’est l’usage d’un édifice ou d’un objet autant que sa forme qui font patrimoine. Et de rappeler aussi qu’un objet prend sens aussi dans l’étude de sa sérialité, mais que cette sérialité se décline en succession de singularité que l’Inventaire a la particularité de savoir lire et restituer. La journée avait commencé avec une conférence de Pascal Aumasson, conservateur honoraire et fin connaisseur des musées bretons, détaillant comment il y a tout juste cent ans l’intense renouveau artistique du mouvement des Seiz Breur s’est nourri de l’« art populaire » et comment les motifs des cuillères de bois ont alimenté les élans de Jeanne Malivel. Quelques minutes avant, il échangeait avec Jane Mickelborough, qui partageait aux participants du forum les cuillères qu’elle sculpte aujourd’hui comme on le faisait hier.

C’est une spécialiste de l’orfèvrerie, Catherine Arminjon, qui avait positionné les « petites cuillères » en écho aux cathédrales dans une formule lancée lors d’une des premières commissions nationales de l’Inventaire vers 1969-1970. L’expression a fait florès depuis, et confirme qu’il n’y a pas d’échelle de valeur pour un indice patrimoine dans l’ensemble des champs explorés par l’Inventaire. Ce n’est pas parce qu’on y déchiffre en estampille les visages de Napoléon III ou de la reine Victoria qu’ont pu être associés dans la même table ronde les tuiles mécaniques importées d’Angleterre à la fin du 19e siècle et les prestigieux remplages fleurdelysés dessinés aux 15e et 16e siècles, mais bien parce qu’en revisitant d’anciennes études, les deux posent des questions méthodologiques analogues. Les outils développés par la Région Bretagne, Kartenn en tête, bientôt aussi une nouvelle solution numérique de collecte, facilitent la tâche de tous ceux qui s’investissent dans l’aventure de l’Inventaire.

 

À en juger par les nombreux échanges engagés dès 9h, tout le monde était ravi de se retrouver au couvent des Augustines de Lannion, pour ce rendez-vous annuel de l’Inventaire. Les « nouveaux » ont rapidement fait connaissance autour des stands du café-forum matinal, tasse et viennoiserie en main, petites cuillères en tête. Les échanges ont repris durant le déjeuner sous le soleil trégorrois dans le cloître de l’ancien couvent des Augustines hospitalières transformé en véritable crêperie.

Les échanges de la journée ont souligné le caractère essentiel des dynamiques humaines qui s’initient autour de ces « petits patrimoines ». Est-ce seulement parce qu’ils sont plus « accessibles » qu’ils suscitent un tel élan ? ou aussi parce qu’ils se croisent, se répondent et contribuent chacun à rendre les territoires plus cohérents ? À écouter les témoignages éloquents de la journée, on se convainc facilement que si elles sont souvent prisées des associations et passionnés, ces « petites cuillères » et ces explorations de proximité sont bien l’ancrage de nombreux projets locaux.

Mais c’est l’heure de la visite. Tiens donc… Elle est guidée par les membres de l’ARSSAT, une équipe de passionnés porteuse d’un Inventaire du port de Lannion. On y vérifie que la ville est une ville-pont en même temps que la capitale des télécommunications : belle métaphore de cette journée !