inventaire et valorisation du patrimoine de bretagne

Au XVIIIe siècle, la mode est au linteau sculpté, en particulier là où la pierre s’y prête. C’est le cas du granit de Bazouges-la-Pérouse (35).

Toujours très perceptible dans tout le pays de Fougères et de nombreux autres territoires bretons, cette tradition s’étend à de nombreuses zones rurales. Marques de fierté, utiles pour retrouver une famille dans les villages, ces inscriptions sont aussi des indices précieux des enquêtes d’Inventaire du patrimoine pour identifier les commanditaires d’une maison, et remonter l’histoire.

Des témoignages précieux

Contrairement aux armoiries et aux marques de noblesse, ces inscriptions portées sur les maisons rurales n’ont pas été martelées à la Révolution. Sculptées ou simplement gravées dans la pierre, elles n’ont connu que les affres du temps qui passe et ont survécu aux changements successifs de propriétaires.

Maison du XVIIIe siècle à Bazouges-la-Pérouse (35) – © Région Bretagne

Ces noms, dates, symboles inscrits dans la pierre sont des témoignages précieux de la société rurale et de son organisation. Les nombreux patronymes laissent deviner les structures familiales influentes des villages. Le nom de l’épouse souvent associé à celui du mari indique les alliances. Cette habitude perdure bien après le code Napoléon, en vigueur dès 1807 qui donne la possibilité à la mariée de choisir ou non le nom de son mari.

Ils témoignent aussi de l’habileté du sculpteur, parfois aussi de ses maladresses notamment en regard de l’écriture.

Linteau sculpté sur une maison du XVIIIe siècle à Bazouges-la-Pérouse (35) – © Région Bretagne

 

Jeanne Chauvin, veuve et bâtisseuse

Au village de Villeneuve, à Bazouges-la-Pérouse, on peut lire sur un linteau « INETENFANTSL 1766 / B:PARIEANNECHAUV » qu’il faut lire « Bâti par Jeanne Chauvin et enfants en l’an 1766 » en corrigeant l’inversion haut/bas de ligne commise par le sculpteur.

 

Les recherches d’André Lestarquit, membre passionné de l’APPAC (Association pour la Promotion du Patrimoine de l’Antrainais et du Bazougeais) qui a dépouillé les registres paroissiaux et les Minutes des Notaires royaux de l’Antrainais et du Bazougeais, lèvent le voile sur Jeanne Chauvin. Les registres mentionnent le mariage de Gille Ernoul, sieur de la Burillais à Jeanne Chauvin le 27 mai 1726, et indiquent aussi que cette Jeanne Chauvin, épouse Ernoul est fille de Jacques Chauvin, sieur du Haut Champs et de Charlotte Verron. Un autre document d’archive fait état de la succession en 1748 de Gille Ernoul en faveur de Jeanne Chauvin, d’une maison avec boutique et cave au-dessous, jardin derrière, située grande rue en Villenauve à Bazouges. Gille Ernoul, le mari de Jeanne Chauvin était donc décédé quand le linteau a été réalisé.

Le plus souvent, les linteaux mentionnent le nom de l’homme, en y associant parfois celui de son épouse. La mention des enfants apparaît dans une moindre proportion.

La mention du nom d’une femme non accolé à celui de son mari est donc exceptionnel. Il s’explique ici par son veuvage.

 

Linteau portant l’inscription « F . F . PAR MICHEL . LEMOULAND / ET . JEANNE . LARCHER . / 1752 » à Poilley (35) – © Région Bretagne

 

Linteau portant l’inscription « FAIT FAIRE  : PAR :  GUIL FRANU / FILLE : PERRETTE : ET : MARGUE / LEBICRE : SA FEMME : LAN : 1714 » à Coglès (35)- © Région Bretagne

 

 

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